L’encyclique du Pape Léon XIII Æterni Patris (4 août 1879), traitant de la restauration de la philosophie chrétienne, fut le signal d’un renouveau de la doctrine de saint Thomas d’Aquin : le pape exhortait les catholiques à suivre en tout les principes, la doctrine et la méthode du Docteur Angélique. La conséquence de cet acte pontifical fut une admirable effloraison d’études, d’œuvres et de recherches théologiques et philosophiques. Parmi les maîtres qui s’y sont consacrés, le Père Garrigou-Lagrange brille d’un éclat particulier : rares sont ceux dont la science a été aussi universelle, dont l’enseignement a été aussi profitable à de nombreuses générations, et dont l’esprit de synthèse a été aussi pénétrant ; rares encore sont ceux qui ont eu autant que lui l’esprit combatif contre les déviations modernistes et toutes les réductions de la doctrine catholique.
Le Père Réginald Garrigou-Lagrange (1877−1964) est donc, assurément, un des plus grands théologiens du vingtième siècle, autant professeur éminent qu’auteur prolixe. De ses cours à l’Angelicum – université romaine de l’Ordre de Saint-Dominique – il a tiré et publié des commentaires cursifs de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin, des ouvrages de synthèse tant philosophiques que théologiques, et d’innombrables articles de revues spécialisées.
Voici un résumé principalement inspiré de deux biographies (d’où quelques redites) : un article du Père Marie-Benoît Lavaud, o. p., publié dans la Revue Thomiste [avril-juin 1964] et reproduit dans Itinéraires [n. 86, septembre-octobre 1964], et une conférence du Père Marie-Rosaire Gagnebet, o. p., insérée dans un in Memoriam consacré au R.P. Garrigou-Lagrange et publié par l’Angelicum en 1965.
La plus grande réussite du Père Garrigou-Lagrange fut le cours de théologie spirituelle qu’il donna du haut d’une chaire qu’il avait lui-même inaugurée à la demande du Pape Benoît XV ; auprès d’elle, tout ce que Rome comptait de théologiens et de maîtres en vie spirituelle vint bientôt s’abreuver. C’est que, non content d’être un grand savant, le Père Garrigou-Lagrange était un homme de haute contemplation et de vie intérieure intense, ce qui donnait à ses cours une valeur peu commune et une « contagion » quasi palpable.
Le Père Garrigou-Lagrange a synthétisé ses travaux en la matière dans une œuvre admirable et sans équivalent (et étonnamment accessible), Les trois âges de la vie intérieure. Cette œuvre doit être très prochainement rééditée, et si l’on comprend que cette édition se fasse un peu attendre tant l’ouvrage est abondant et mérite un très grand soin, notre impatience n’en est pas pour autant éteinte…
En attendant, il est peut-être utile de s’intéresser à un opuscule que le Père Garrigou-Lagrange avait publié quelques années auparavant, Les trois conversions et les trois voies, qui est comme le squelette des Trois âges.
Certes, le squelette en question n’a pas l’onction ni l’abondance (d’exemples tirés de la vie de saints, de conseils éclairés et judicieux, d’explications qui manifestent que tout est fondé sur l’Évangile de Jésus-Christ, etc.) de l’ouvrage définitif que nous attendons. Mais il permet de saisir déjà sa dynamique et la fécondité toute divine de son point de départ : la grâce du sacrement de Baptême.
Un squelette est toujours un peu sec et peut sembler rude, mais celui-ci est tout de même attrayant et bien instructif en une matière où l’enseignement est inexistant ou misérable, pour le plus grand tort des intelligences et des cœurs.
Le volume Les trois conversions et les trois voies est disponible en librairie, vous le trouverez sur librairiedamase.com avec facilité. Le PDF dont le lien vous est donné ci-dessus en contient le texte intégral ; il est destiné à vous mettre l’eau à la bouche…