Stulte egisti

Naguère, je veux parler d’avant Vatican II et à l’échelle de la vie de l’Église c’est naguère, c’était les ennemis de la foi catholique qui méconnaissaient ou méprisaient le Magistère de l’Église et son autorité. Ils n’avaient de cesse de minimiser et de relativiser le pouvoir d’enseignement que Jésus-Christ exerce par son Église, afin de l’écarter du chemin de leur insatiable appétit de nouveauté, laquelle consiste le plus souvent dans le recyclage de vieilles erreurs.

Maintenant, ce sont ceux qui se posent en défenseur de la foi catholique qui ont pris la succession et sont habités du même dédain.

Naguère, c’étaient les échevelés de l’œcuménisme qui méconnaissaient ou méprisaient la Constitution de l’Église et sa pérennité. Ils n’avaient de cesse de relativiser ou de contourner le barrage que Jésus-Christ a élevé contre leurs prétentions dissolvantes.

Maintenant, ce sont ceux qui se posent en défenseur de la foi catholique qui ont pris la succession et sont habités du même dédain.

Le Pape Pie XII condamne les uns et les autres, les anciens et les actuels, avec une égale sévérité.

Ceux qui veulent reconnaître en la dynastie qui va de Paul VI à François Bergoglio les vicaires de Jésus-Christ, tout en refusant (à bon droit) les erreurs dans la foi et les réformes infestées de protestantisme inaugurées par Vatican II, en sont réduits à s’attaquer à l’autorité du Magistère. On trouvera les condamnations portées par l’Église catholique dans ces documents :

Quant à ceux qui refusent (à bon droit) de reconnaître en la dynastie qui va de Paul VI à François Bergoglio les vicaires de Jésus-Christ, et, pour assurer la prolongation de l’accès aux sacrements, prétendent recourir aux sacres épiscopaux effectués sans mandat apostolique, c’est à la constitution même de l’Église qu’ils s’attaquent. C’est de cela que nous allons parler, dans un texte de circonstance.

Auparavant, voici deux écrits émanant de Pie XII qui fustigent et condamnent ce dédain de la Constitution de l’Église. Ils ont été publiés à propos des anciens contempteurs, mais ils s’appliquent avec autant de vérité aux actuels.

Le premier est extrait d’une instruction du Saint-Office aux Ordinaires des Lieux 1. Les soulignés sont le fait de Quicumque.

« Ils écarteront aussi cette manière dangereuse de s’exprimer qui donnerait naissance à des opinions erronées et à des espoirs fallacieux qui ne pourront jamais se réaliser, en disant par exemple que l’enseignement des Souverains Pontifes, dans les encycliques sur le retour des dissidents à l’Église, sur la Constitution de l’Église, sur le Corps mystique du Christ, ne doit pas être tellement pris en considération puisque tout n’est pas de foi ou, ce qui est pire encore, que dans les matières dogmatiques, même l’Église catholique ne possède pas la plénitude du Christ, mais qu’elle peut être perfectionnée par les autres églises. […]
« La doctrine catholique doit par conséquent être proposée et exposée totalement et intégralement ; il ne faut point passer sous silence ou voiler par des termes ambigus ce que la vérité catholique enseigne sur la vraie nature et les étapes de la justification, sur la constitution de l’Église, sur la primauté de juridiction du Pontife Romain, sur la seule véritable union par le retour des chrétiens séparés à l’unique véritable Église du Christ. On pourra sans doute leur dire qu’en revenant à l’Église ils ne perdront rien du bien qui, par la grâce de Dieu, est réalisé en eux jusqu’à présent, mais que par leur retour ce bien sera plutôt complété. »

Le second écrit est extrait de l’encyclique Humani generis qui, le 12 août 1950, condamna le néo-modernisme, ses prétentions scientifiques et son mépris de l’Église. Les soulignés sont le fait de Quicumque.

« Ce qu’expliquent les encycliques des Pontifes Romains au sujet du caractère et de la constitution de l’Église est négligé par certains d’une manière habituelle et préméditée, à seule fin de faire prévaloir une notion vague qu’ils disent puisée chez les anciens Pères, surtout chez les Pères grecs. Les Pontifes, répètent-ils, n’ont pas dessein de trancher les questions débattues entre théologiens ; aussi faut-il en revenir aux sources primitives et interpréter les constitutions et décrets plus récents du Magistère d’après les écrits de l’antiquité. »

On admirera comment les arguments présentés en faveur des sacres sans mandat s’ingénient à tomber sous la réprobation de Pie XII.

Bien au-delà des questions de personnes, bien au-delà des intérêts ou des habitudes de chacun, bien au-delà des querelles de clochers, bien au-delà des craintes et des nécessités immédiates, Veritas Domini manet in æternum, la vérité du Seigneur Dieu demeure à jamais.

Stulte egisti !

Samuel à Saül (I Reg. XIII, 13)

Monsieur l’Abbé Philippe Guépin jouit, à juste titre, de la réputation d’être un prêtre zélé, dynamique, entreprenant, généreux, édifiant. Cet état de fait m’oblige à prendre la plume. Si l’Abbé Guépin n’avait été qu’un médiocre, j’aurais laissé l’affaire sombrer dans sa médiocrité.

De quelle affaire s’agit-il ? Le dimanche 8 mars de cette année 2020, l’Abbé Guépin a distribué aux fidèles qui recourent à son ministère, et publié sur son site, un texte duquel, je le crains, la foi catholique, particulièrement la foi en l’unité et en l’apostolicité de l’Église, ne sortira pas indemne.

« Credidi propter quod locutus sum. J’ai cru, et c’est pourquoi j’ai parlé » Ps. CXV. Il est des occurrences dans lesquelles il est impossible de se taire : ce serait au détriment de l’intégrité de la foi, et dans un refus de charité à l’égard de ceux qui seront entraînés dans l’erreur.

Je m’en vais reproduire ci-dessous le papier en question en y intercalant, de manière bien identifiée, quelques remarques ou rectifications : le lecteur aura en main les éléments nécessaires pour connaître la doctrine catholique et se déterminer selon sa lumière. Commençons par le titre :

Lettre pour éclairer les fidèles
confrontés aux ravages intellectuels et doctrinaux de Vatican II

Pour éclairer… Notre-Seigneur nous avertit : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des Cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les Cieux, celui-là entrera dans le royaume des Cieux » Matth. VII, 21. Il ne suffit donc pas de désirer et de déclarer écrire pour éclairer les fidèles pour y parvenir, il faut encore en prendre les moyens.

Il faut donc se placer dans la bonne lumière, celle de la doctrine catholique sans diminution ni gauchissement. Comme le disait si bien Luce Quenette, « User des moyens de la révolution, c’est déjà lui appartenir » 2. Il faut donc exclure tous les moyens par lesquels l’erreur et l’hérésie se propagent et s’insinuent dans les âmes : mensonge, exagération, approximation, omission calculée, incantation en lieu et place de la réflexion, réduction de la vérité. Employer les procédés et les méthodes des ennemis de la vérité de la foi, c’est les rejoindre, quelles que soient les bonnes intentions qu’on a l’illusion d’y apporter. Examinons.

Mes bien chers frères, bien chers combattants de la Foi, bien chers amis,
À l’occasion de cette fête de Notre-Dame de Lourdes, je me dois d’aborder un sujet brûlant, source de bien des divisions… Mais d’abord, quelques rappels importants.
Qu’est-ce que le Pape ? La puissance spirituelle donnée par Notre Seigneur Jésus-Christ à saint Pierre, et transmise à ses successeurs légitimes, est hors de toute contestation. Un catholique digne de ce nom doit obéir au Pape. Le Pape Boniface VIII a affirmé : « L’obéissance au Pape est nécessaire au salut. » La véritable tête de l’Église, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même et le Pontife romain en est la tête visible, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre. Le Pape a, de droit divin, dans l’Église, la primauté magistérielle (avec le privilège de l’infaillibilité) en ce qui concerne la foi et les mœurs, et la primauté de juridiction en ce qui touche à la discipline et au gouvernement. Son pouvoir est suprême, plénier, ordinaire et immédiat sur tous les pasteurs et tous les fidèles. Selon saint Cyprien et saint Ambroise : « Là où est Pierre, là est l’Église. »
Or voilà soixante-deux ans que nous sommes orphelins d’autorité légitime dans l’Église. Depuis la mort de Sa Sainteté le Pape Pie XII, le 9 octobre 1958, nous vivons dans une situation sans précédent.

Soixante-deux ans ? C’est affirmer péremptoirement que ni Jean XXIII ni Paul VI et consorts n’étaient Papes. J’en suis bien d’accord pour Paul VI et successeurs en ce sens que reconnaître en eux l’autorité pontificale rend impossible l’exercice de la foi catholique. Mais affirmer la même chose de Jean XXIII est improuvé et faux ; non seulement reconnaître son autorité n’empêche en rien l’exercice de la foi, mais refuser de la reconnaître entrave cet exercice puisque cela revient à nier un fait dogmatique. L’Abbé Guépin serait bien en peine d’établir son affirmation dans la lumière de la foi, seule décisive.

À la mort de chaque Pape, successeur légitime de Saint Pierre, la sainte Église, notre mère, ne meurt pas. Elle connaît une situation de vacance du siège (Sede vacante), qui peut durer un certain temps (un, deux, trois ans). Historiquement, cela est allé jusqu’à quatre ans. Mais à la mort du Pape, non, l’Église ne meurt pas. En effet, elle a l’assistance promise aux premiers Apôtres par Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même : « Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. » Notre divin Sauveur est le fondateur et le chef suprême de la sainte Église, c’est lui la Tête du Corps mystique. Si Jésus-Christ a voulu que son Église soit gouvernée par le Pape, successeur de saint Pierre, et les évêques, successeurs des Apôtres, s’il a voulu un vicaire, son représentant sur la terre, Il reste le fondateur et le principe de son Église. Seule l’Église catholique d’ailleurs peut se prévaloir de ce privilège unique : elle a été fondée par Dieu lui-même ! Les autres religions ont été fondées par des hommes.
Il faut dire sans détour qu’il n’existe au monde qu’une seule société qui possède la Vérité, c’est l’Église catholique. Et cette société doit nécessairement être intolérante à l’égard du mal, de l’erreur, des fausses religions, et aujourd’hui à l’égard du modernisme. « La religion qui vient du ciel est vérité, et elle est intolérante envers les fausses doctrines. C’est la condition de toute vérité d’être intolérante ; mais la vérité religieuse, étant la plus absolue et la plus importante de toutes les vérités, est par conséquent aussi la plus intolérante et la plus exclusive. Rien n’est exclusif comme l’unité. Or, entendez la parole de saint Paul : Un Dieu, une Foi, une Église. Je l’avoue, il n’y a pas là de subtilité, c’est l’intolérance, l’exclusion la plus positive, la plus franche. Et encore, Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres prêcher toutes les nations, c’est-à-dire, renverser toutes les religions existantes pour établir l’unique religion catholique par toute la terre. » (Cardinal Pie)
La secte de Vatican II…

Secte de Vatican II ou secte conciliaire voire église conciliaire sont des raccourcis commodes, mais il ne faut pas en être dupe. Il n’existe pas une entité indépendante qui s’est constituée autour d’une religion détachée de la religion catholique. Il existe un ensemble de rites, de doctrines, de mentalités incompatibles avec la religion catholique qui colonisent les structures de l’Église, mais qui ne constitue une secte au sens du canon 2314. Il est bon de s’en souvenir pour éviter de tomber dans l’incantation. Reprenons le texte de l’Abbé Guépin.

La secte de Vatican II agit à l’opposé de l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le Cardinal Pie, combattant le libéralisme du XIXe siècle, annonçait par avance la situation dramatique que nous subissons : « Que de consciences seraient tranquilles le jour où l’Église catholique donnerait le baiser fraternel à toutes les sectes ses rivales ! » C’est ce que François met en œuvre après Benoît XVI, et Jean-Paul II : il participe au culte juif, musulman, protestant, et se garde bien de prêcher Notre Seigneur Jésus-Christ aux ennemis de Notre Seigneur Jésus-Christ !
Certains prêtres affirment que « s’il n’y a pas de Pape, il n’y a pas d’Église ! » Mais la visibilité de l’Église, le fait que son chef soit visible, n’est pas une note essentielle de l’Église, comme le sont l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité. La visibilité est une propriété de l’Église, c’est un accident propre et, comme tout accident, il est susceptible de plus et de moins. L’Église reste l’Église, même quand sa visibilité est diminuée. Sans doute la visibilité de l’Église catholique est-elle moindre après soixante-deux ans de vacance du siège apostolique qu’en 1958 ! Et c’est là un drame, c’est là le drame, la catastrophe que nous subissons depuis ces soixante-deux ans. Mais cela ne doit pas nous égarer. Rappelons-nous les paroles prophétiques de Mgr Pie, du 8 novembre 1859, dans la cathédrale Saint-Pierre de Nantes : « Ce qui est certain, c’est qu’à mesure que le monde approchera de son terme, les méchants et les séducteurs auront de plus en plus l’avantage. On ne trouvera quasi plus la foi sur la terre (Luc XVIII, 8), c’est-à-dire, elle aura presque complètement disparu de toutes les institutions terrestres. Les croyants eux-mêmes oseront à peine faire une profession publique et sociale de leurs croyances. La scission, la séparation, le divorce des sociétés avec Dieu, qui est donnée par saint Paul comme un signe précurseur de la fin (II Thess. I, 3), ira se consommant de jour en jour. L’Église, société sans doute toujours visible, sera de plus en plus ramenée à des proportions simplement individuelles et domestiques. »
Que nous soyons orphelins d’autorité, ce sont les « chefs modernistes » qui se succèdent et occupent le Siège de Pierre qui nous le prouvent ! En effet, par l’enseignement constant de la sainte Église, nous avons la certitude qu’un Pape ne peut pas errer quand il s’exprime dans le domaine de la Foi et des mœurs, quand il canonise un Saint, etc. Et par conséquent :
– Un pape ne peut pas réunir un concile révolutionnaire – Vatican II – destiné à détruire les fondements de l’Église (Jean XXIII).

Voilà un mensonge caractérisé. Jean XXIII a convoqué, dans les règles, un concile catholique ; il n’y a rien de révolutionnaire dans ce fait, c’est le pouvoir de tout Pape ! Que Vatican II ait eu par la suite un effet désastreux ne permet en rien d’affirmer qu’il a été destiné par Jean XXIII à détruire les fondements de l’Église. Aucune intention déclarée, manifestée ou mise en œuvre ne va dans ce sens ; les textes rédigés par la Commission préparatoire ne contenaient rien contre la foi. Une calomnie fait perdre toute crédibilité à son auteur et demande, en justice, une rétractation, d’autant plus que la matière est grave. User des moyens de la révolution, c’est déjà lui appartenir.

– Un pape ne peut pas détruire le saint Sacrifice de la Messe (Paul VI).
– Un pape ne peut pas célébrer le Nouvel Ordo Missæ, la messe de Luther (Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, etc).
– Un pape ne peut pas organiser une réunion œcuménique, comme celle d’Assise (Jean-Paul II), ou de Naples (Benoît XVI).
– Un pape ne peut pas baiser le Coran (Jean-Paul II), ni affirmer que les musulmans et les catholiques ont la même foi en un Dieu unique (Jean-Paul II, Benoît XVI, François).
– Un pape ne peut pas promouvoir l’invasion islamique en terre chrétienne (François).
– Un pape ne peut pas implorer la bénédiction du grand Rabbin de Sao Paulo (Benoît XVI).
– Un pape ne peut pas œuvrer à la destruction du mariage chrétien (François).
– Un pape ne peut pas faire entrer Luther au Vatican (François).
– Un pape ne peut pas canoniser des modernistes condamnés solennellement par saint Pie X, tels que Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II (François).
– Un pape ne peut pas donner sa bénédiction à un culte païen dans Saint-Pierre-de-Rome (François).
Un pape ne peut pas faire tout cela ! En vertu même de son infaillibilité ! Et c’est la raison pour laquelle je ne cite pas le chef des modernistes au Canon de la messe catholique depuis quarante-deux ans. Pendant près de trois ans passés au Prieuré de Bordeaux, Monseigneur Lefebvre me disait à propos du Una cum Paul VI : « Je ne puis pas vous obliger en conscience à nommer le ‘pape’ au Canon de la messe. » C’est au début de 1980 qu’il nous a obligés à le nommer sous peine de renvoi, en raison des démarches diplomatiques entamées avec le Vatican et destinées à obtenir une reconnaissance canonique de la Fraternité Saint-Pie-X auprès de JP II. (voir Fideliter, mars-avril 1980). Et c’est le 7 mars 1980, il y a quarante ans, que j’ai été exclu de la FSPX, à cause de mon refus de citer au Canon de la messe JP II, « le chef des modernistes », ainsi que l’appelait couramment Mgr Lefebvre lui-même.

Cette énumération place un peu tout sur le même plan et présente quelques approximations, mais je ne m’y arrête pas : elle est suffisamment éloquente par elle-même. Je note juste au passage trois erreurs factuelles, pour les historiens futurs. L’Abbé Guépin n’a pas passé trois ans au prieuré de la Mongie, mais deux ans et un mois (mi-février 1978 – mi-mars 1980) ; ce n’est pas le 7 mars qu’il a été exclu de la Fraternité mais la semaine suivante (après la conférence de Mgr Lefebvre à Bordeaux, le mercredi 12 mars me semble-t-il) ; l’obligation de nommer Jean-Paul II à peine d’exclusion date de l’été ou l’automne 1979 (dans le bulletin interne à la Fraternité Cor Unum).

Un prêtre ne peut ni ne doit nommer François au canon de la messe ; s’il le fait :
– Il fait l’acte d’allégeance le plus solennel à François et reconnaît en son œuvre celle de Jésus-Christ ;
– Il proclame publiquement son adhésion à une fausse règle de foi, dans l’acte même du mystère de la Foi et se compromet avec une fausse religion ;
– Ou – s’il estime que la mention de François n’est qu’une parole sans portée qui ne correspond à rien – il profane par son mensonge ce qu’il y a de plus précieux dans l’Église : le Canon de la Messe.
Nous nous heurtons à une double impossibilité :
– D’une part, constater les actes scandaleux de François et, en même temps, affirmer qu’il est Pape, vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ ;
– D’autre part, affirmer que François est pape – et donc revêtu de l’autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ – et, en même temps, lui résister habituellement et agir, en dehors de lui, pour la confection et la distribution des sacrements : c’est cela, le schisme !
Une autre preuve qui confirme que nous sommes orphelins d’autorité, ce sont les divisions, les subdivisions innombrables qui existent aujourd’hui, même parmi les catholiques fervents et désireux de rester fidèles à notre mère la sainte Église. Notre Seigneur Jésus-Christ l’avait annoncé dans son Évangile : « Je frapperai le pasteur et les brebis seront dispersées. » (St Marc, XIV, 27)
Mais Notre-Seigneur nous demande d’user de notre intelligence, d’user de notre faculté de discernement. « Un jour viendra où se lèveront de faux pasteurs, de faux prophètes, de faux christs » (St Matth. XXIV, 23-24). Ne sont-ce pas là les loups rapaces contre lesquels Notre Seigneur nous a mis en garde, qui viennent à nous couverts de peaux de brebis ? Un « pape » moderniste ne peut pas être le vicaire du Christ parce que les modernistes sont les pires ennemis de l’Église, selon saint Pie X !
Il n’est pas nécessaire de faire de longues et savantes considérations théologiques pour le comprendre. Notre Seigneur nous le dit lui-même : « On juge l’arbre à ses fruits » (St Luc, VI, 44). Vatican II enseigne, proclame et met en œuvre tout ce que saint Pie X a condamné dans son encyclique Pascendi.

Tout ? Tout ce que condamne Pascendi serait enseigné (et proclamé et mis en œuvre) par Vatican II ? « Il n’est pas nécessaire de faire de longues et savantes considérations théologiques » mais il est tout de même nécessaire de lire honnêtement les textes pour affirmer que c’est faux. Où Vatican II a-t-il enseigné que la foi naît de l’immanence vitale ? Où distingue-t-il le Christ de l’histoire et le Christ de la foi ?

En réalité, Vatican II est bien plus subtil que cela ; partout il distille et met en œuvre sa nouvelle conception de l’Église (dixit Jean-Paul II à propos de la réforme liturgique : « Lettre apostolique Sacrosanctum concilium » du 4 décembre 1988, § 2). Le tout est enrobé d’un verbiage saoulant, et c’est pourquoi nombreux sont ceux qui l’ont avalé sans bien se rendre compte. Au passage, cela montre qu’il est injuste de qualifier de moderniste quiconque a suivi le mouvement. À ce compte-là, on serait conduit à affirmer que Dom Jean de Monléon (par exemple) est devenu un membre de la « secte de Vatican II » et mort en cet état.

Le témoignage de la foi ne consiste pas à coller indistinctement des étiquettes, mais à faire œuvre de rigueur et de vérité aussi bien dans la profession de la doctrine catholique que dans la récusation de l’erreur. Et les tendances novatrices sont loin d’être absentes des « tradis » de tout poil quand on voit la façon dont ils sélectionnent, amoindrissent voire dénaturent les enseignements de l’Église sur l’autorité du Magistère ou encore sur… l’épiscopat. User des moyens de la révolution, c’est déjà lui appartenir.

Vatican II conduit les âmes à l’apostasie et à l’abandon de la vie chrétienne. D’autre part, Notre Seigneur nous a dit que l’on ne peut servir deux maîtres. On ne peut à la fois servir Notre Seigneur Jésus-Christ et la sainte Église fondée par lui, et en même temps servir la contre-église fondée par des hommes impies qui détournent les âmes de notre divin Sauveur. On ne peut pas, dans le même sanctuaire, pratiquer la « coexistence pacifique » des rites, mettre le Saint Sacrifice de la Messe au même niveau que la liturgie moderniste où « il s’agit simplement de faire mémoire ». Cela est insupportable, abominable, odieux. Cette « abomination de la désolation dans le lieu saint » (St Matth. XXIV, 15) ne peut qu’attirer les châtiments de Dieu. Saint Paul est très clair sur ce sujet : « On ne se moque pas de Dieu. » (Gal. VI, 7).
François le moderniste se conduit en impie, il se moque de tout ce qui est beau, de tout ce qui est pur, de tout ce qui est vrai, de tout ce qui est sacré dans l’Église. Son rire est un ricanement diabolique. Il se moque de Notre Seigneur Jésus-Christ et de la Très Sainte Vierge Marie. Honte à lui ! Les « prêtres de la Tradition » qui osent affirmer que François est pape, trompent gravement les fidèles. Ils en répondront devant Dieu.
Voilà brossée en quelques mots la situation dramatique que nous n’avons pas créée mais que nous subissons.
Face à cette confusion, il nous faut grandir dans l’amour de Dieu et nous soumettre à l’enseignement de la sainte Église notre mère. Nous devons nous conduire en catholiques dignes de ce nom. Nous devons confesser la Foi et témoigner de la Foi. Saint Pierre le dit : « Nous devons répondre de l’espérance qui est en nous. » (I Pierre, III, 15).
Mais pour témoigner de la foi, les fidèles ont besoin des sacrements. Pas de sacrements sans prêtres, pas de prêtres sans évêques. Où les trouver ? Comment la Providence nous les donnera-t-elle ? Les lois de l’Église empêchent-elles aujourd’hui la consécration d’un évêque sans mandat pontifical ?

Le problème est faussé dès le départ. Sa position contient implicitement l’affirmation (erronée) qui permettra d’arriver tranquillement à la conclusion choisie d’avance ; tout le reste ne sera que poudre aux yeux. C’est comme un tour de cartes ou de magie dans lequel le prestidigitateur a déjà placé ou bien connaît déjà, avant même de commencer son tour, ce qui sera la surprise finale. User des moyens de la révolution, c’est déjà lui appartenir.

La fausseté de la position du problème consiste en ce qu’il implique (sans examen aucun, comme allant de soi) que c’est la loi de l’Église qui est en cause. Mais en réalité, nous le verrons, c’est la Constitution divine de l’Église qui est en question, et la réponse est alors diamétralement opposée.

La réédition de la lettre encyclique de Sa sainteté Pie XII Ad Apostolorum Principis est fort opportune. À l’époque de sa parution, la persécution battait son plein en Chine. Pie XII y dénonce l’esprit schismatique de « l’église patriotique » aux ordres du parti communiste chinois et qui n’avait de cesse de chercher à se substituer à la véritable Église. Comment ne pas penser au serment républicain imposé au clergé sous peine de mort en juillet 1790 ? Dans son souci premier de sauvegarder l’unité de l’Église, Pie XII rappelle : « …aucune personne ou assemblée de prêtres ou de laïcs ne peut s’arroger le droit de nommer des évêques ; personne ne peut conférer légitimement la consécration épiscopale sans la certitude préalable du mandat pontifical. C’est pourquoi, une consécration ainsi conférée contre tout droit, crime qui est un très grave attentat à l’unité même de l’Église, est punie d’une excommunication très spécialement réservée au Saint Siège, etc. » (pp. 61-62, éd. QM, mars 2019) Ces paroles sont de la plus grande importance et d’une extrême gravité : mais Pie XII y condamne une partie du clergé de Chine tombée dans le schisme, et dont certains membres étaient déjà excommuniés. À cette époque, il y avait un Pape !

À cette époque il y avait un Pape… qui n’aimait pas qu’on déforme ses actes ni leurs circonstances historiques. Car la présentation qu’on vient de lire est honteusement tendancieuse. La promulgation d’une excommunication ipso facto pour les consécrateurs et les consacrés en l’absence d’un mandat apostolique date de 1951. L’objet de l’encyclique de Pie XII n’est pas de renouveler cette promulgation, mais de condamner la prétention de rester catholique tout en procédant à des sacres sans mandat apostolique ; il en explique les raisons fondées sur la nature de l’Église et sur la nature de l’épiscopat. Entre 1951 et 1958, il n’y eut qu’une seule excommunication nominale, en octobre 1954, celle de l’abbé (ou père) Li Weiguang, vicaire général de Nanjing (Nankin), auteur du Nanjing Manifesto de 1953. Pour affirmer que ceux qui ont sacré sans mandat en 1958 étaient déjà schismatiques et excommuniés avant cet acte, on confond ce père Li avec Mgr Joseph Li Daonan qui a tristement cédé le 13 avril 1958, mais qui n’était jusqu’à cet instant ni en rupture avec l’Église catholique ni excommunié. L’intention de Pie XII et le contexte de l’encyclique sont donc totalement travestis par l’Abbé Guépin.

Dans la présentation de l’encyclique, on lit à la page 7 : « Voici plus de soixante ans que le pape Pie XII est mort (9 octobre 1958). Depuis lors, nulle difficulté, nul problème n’a surgi qu’il n’ait résolu par avance. » Comment peut-on affirmer une chose pareille ? Pie XII ne prévoyait pas la situation d’aujourd’hui, sans précédent, gravissime, où l’absence d’autorité rend impossible toute consécration épiscopale avec mandat apostolique ! Et cela, depuis plus de soixante-deux ans !

La modeste présentation qui suscite l’ire de l’Abbé Guépin ne fait qu’exprimer admiration et gratitude pour l’ampleur providentielle du registre de l’enseignement de Pie XII. Rien de plus, c’est une présentation. L’indignation outrée voire outrancière de l’Abbé Guépin lui permet d’introduire son argument central : Pie XII n’a pas prévu !

Cet argument central suppose, lui aussi, que nous sommes dans le domaine de la législation et non dans celui de la Constitution de l’Église. Et jamais ce point crucial (et en l’occurrence décisif) ne sera évoqué dans le texte analysé. Il y a tout un verbiage qui camoufle cette carence essentielle. User des moyens de la révolution, c’est déjà lui appartenir.

Car, comme il s’agit de la Constitution divine de l’Église, c’est Jésus-Christ lui-même qui n’aurait pas su prévoir la situation actuelle de l’Église. Erreur impardonnable ! Heureusement qu’il y a des ecclésiastiques plus malins que lui pour rattraper l’affaire !

Considérons le cas du R. P. Guérard des Lauriers, son intelligence supérieure (docteur en théologie, en philosophie et en mathématiques), son amour de l’Église, sa piété qui nous édifiait au séminaire d’Écône. En prenant la décision de se faire sacrer évêque (7 mai 1981) pour la sauvegarde du sacerdoce catholique, il avait l’intention de rester dans l’unité de l’Église malgré l’absence de mandat exprès du pape, inaccessible en raison de la vacance du Saint-Siège. Et c’est la raison pour laquelle il a signé cette admirable profession de Foi et de fidélité à la Sainte Église : « Aussitôt que l’Autorité légitime sera rétablie, je déposerai mon sacre aux pieds du Successeur de Pierre. »

S’en remettre au prochain Pape est le contraire de l’Apostolicité de l’Église, selon laquelle toute garantie de vérité de la foi et tout pouvoir viennent des Apôtres. Le pouvoir n’est certain et légitime que dans cette mesure. Ce sont les révolutionnaires qui justifient leurs désastres par les lendemains qui chantent.

Cela n’est pas agir contre le Saint-Siège. Considérer cet acte comme schismatique, c’est ni plus ni moins du légalisme, ou même du pharisaïsme condamné par Notre Seigneur Jésus-Christ : « Hypocrites et pharisiens… qui d’entre vous, si son âne ou son bœuf tombe dans un puits le jour du sabbat, ne l’en retire aussitôt ? » (St Luc, XIV, 5) Nous sommes loin de ces « évêques sauvages » qui se multiplient à une vitesse effarante, qui tombent dans le schisme et fondent des sectes. Ceux-là, il faut les fuir absolument : « Nullam partem. » (voir Éph. V, 7)

Non, nous ne sommes pas loin des évêques prolifiques et proliférants, nous en sommes tout près : ce sont les mêmes (faux) principes qui habitent tout ce petit monde épiscopal, c’est la même absence de règle légitime qui laisse une porte béante et permanente à toute forme d’excès supplémentaire. Les faux principes, l’expérience le montre, finissent presque toujours par vaincre la vertu de ceux qui imaginent les retenir dans des bornes « raisonnables ».

Par ailleurs, la carence susmentionnée est toujours présente (si l’on peut dire cela d’une carence) : la loi du sabbat est une loi positive, et son évocation ne pourrait avoir un semblant de pertinence que si l’épiscopat et sa dévolution ne relevaient pas de la Constitution même de l’Église. C’est un peu léger pour crier au pharisaïsme (et merci au passage).

Des fidèles, souhaitant faire confirmer leurs enfants, me supplient de faire venir un évêque… D’autres s’adressent au premier venu…
On ne peut pas recourir à un évêque douteux ou invalide pour recevoir la confirmation ou le sacerdoce. Celui-ci ne peut pas donner ce qu’il n’a pas reçu.
– Un évêque consacré selon le nouveau rite de 1968 ne peut pas être évêque : certains séminaristes reçoivent l’ordination sacerdotale, avec le rite traditionnel, mais d’un évêque sacré selon le rite moderniste absolument invalide. Il n’est donc pas prêtre, et sa messe est invalide.
– Un évêque validement consacré avec mandat pontifical de Pie XII, mais qui appartient à la secte moderniste depuis plus de cinquante ans, ne peut pas être sollicité par un catholique tant qu’il n’a pas abjuré et renoncé publiquement à Vatican II, à ses pompes et à ses œuvres. Les Vendéens ont été confrontés à une situation analogue. Ils refusaient de recevoir les sacrements d’un évêque ou d’un prêtre jureur, ayant prêté serment à la Constitution Civile du Clergé. Ils préféraient risquer leur vie pour recevoir les sacrements d’un évêque ou d’un prêtre réfractaire à la révolution. Voilà le témoignage de la Foi authentique.

Il y a des choses que l’Abbé Guépin ne semble pas comprendre… Son opinion de l’existence d’une secte moderniste ne confère à cette supposée aucune réalité canonique et n’implique aucune censure ecclésiale à l’encontre de ceux qu’il y place.

Il y a une différence décisive, que les catholiques (et parmi eux les Vendéens) percevaient sans peine. Ce qui rendait intrus (et donc à fuir) le clergé était la condamnation par l’Église : soit la condamnation du serment prêté à la Constitution Civile du Clergé par Pie VI 3 ; soit la condamnation des sacres épiscopaux sans mandat apostolique dont ce même clergé est issu, par Pie VI dans Quod Aliquantum encore, et dans la Lettre apostolique Caritas, 13 avril 1791. Dans cette dernière, le Pape écrit absolument, sans condition comme sans exception, dans toute l’acuité de la vérité : « Dans l’Église catholique, il ne peut y avoir de consécration légitime que si elle est conférée par un mandat apostolique. »

Témoin en est le bienheureux Noël Pinot : il refuse de consentir à la Constitution Civile du Clergé, voyant son caractère hérétique et schismatique ; mais tant qu’elle n’a pas été condamnée par le Pape, il continue à partager son église et les offices avec son vicaire qui l’a signée. « En tout cas, le pape ne s’étant pas prononcé encore au sujet de la Constitution Civile de Clergé, M. Garanger n’avait encouru, du fait de son “jurement”, aucune censure. Confiant que les instructions attendues de Rome lui dessilleraient les yeux, M. Pinot le laissera poursuivre comme auparavant ses activités dans la paroisse… » 4.

En l’absence de condamnation par l’Église, il est donc possible de recourir au clergé (validement ordonné, utilisant les rites traditionnels, ne corrompant pas ceux qui s’adressent à lui) qui a été malheureusement impliqué dans l’aventure conciliaire. Je pourrais citer aussi la Constitution Ad evitanda scandala de Martin V (1418), le canon 2261, saint Thomas d’Aquin (IIIa, q. 82, a. 9), mais à quoi bon ?

J’ai rédigé, en son temps, une abondante justification (16 pages A4) dont l’Abbé Guépin avait eu connaissance : je sais d’expérience que cela a peu de poids à côté de la répétition en boucle des secte moderniste, église conciliaire, secte conciliaire, église moderniste etc. Et peu de poids aussi à côté de l’aveu gémi par notre bon Abbé dépassé : « Des fidèles, souhaitant faire confirmer leurs enfants, me supplient de faire venir un évêque… »

– Un « évêque de la Tradition » qui affirme que François est pape, mais qui passe son temps à le critiquer et refuse son concile, sa « nouvelle messe », ses sacrements, celui-là désobéit gravement à celui qu’il reconnaît comme pape. C’est une attitude protestante et schismatique. À fuir absolument !
Devant cette confusion et ce désordre, devant cette prolifération de sectes et face à la perversion des intelligences et de la foi, je ne puis plus me taire. Les ravages de Vatican II sont tels qu’il faut faire violence au ciel pour implorer la grâce de voir de nouveau la Sainte Église gouvernée par un Pape digne de ce nom et vrai successeur de Pierre. Nous aimons la Sainte Église et nous n’accepterons jamais de nous en détacher, particulièrement dans ce temps de désolation. Même si nous ne pouvons pas respecter la lettre de la loi, nous respecterons l’esprit du législateur tout en adoptant des mesures de temps de guerre.

Parmi les « ravages de Vatican II », il faut placer au premier chef la dilution de l’unité de l’Église : « cercles d’appartenance », « communautés dissidentes moyens de salut »… C’est exactement la même dilution que produisent les sacres épiscopaux conférés sans mandat apostolique : pseudo-hiérarchies non-apostoliques, dissidences virtuellement sans limite d’espace et de temps. User des moyens de la révolution, c’est déjà lui appartenir.

Il est temps, maintenant, de faire justice de cette affirmation quatre fois répétée déjà et jamais justifiée (et pour cause), savoir que seule une loi de l’Église catholique est en jeu. C’est le contraire qu’enseigne l’Église.

L’Église enseigne que l’épiscopat et sa dévolution sont partie intégrante de sa Constitution. Pour cela, il suffit de lire ou relire en esprit et en vérité les paragraphes 25 à 33 de l’encyclique Ad Apostolorum Principis du 29 juin 1958. Le Pape Pie XII y parle de doctrine, de principes, d’unité de l’Église, d’ordre hiérarchique, de constitution (etc.), toutes choses qui désignent la Constitution divine de l’Église et l’engagent profondément. Mais enfin, lisez donc ! Tolle, lege !

Pie XII n’innove en rien ; il s’inscrit dans la continuité tant de l’Évangile (cité par lui) que de la doctrine enseignée par le Saint-Siège et universellement reçue. J’ai cité plus haut Pie VI dans Caritas ; son bref Quod Aliquantum rattache au dogme la nécessité de la confirmation des évêques par le souverain Pontife (§ 24), s’opposant ainsi au sophisme des laudateurs de la Constitution Civile du Clergé qui en faisait une affaire de discipline.

Voici Léon XIII affirmant que l’épiscopat et sa transmission relèvent de la constitution même de l’Église catholique : « L’ordre épiscopal fait nécessairement partie de la Constitution intime de l’Église » 5. C’est selon cette Constitution que le Pape, et lui seul, appelle les évêques, les fait participer à la régence sur le Corps mystique de Jésus-Christ, les incorpore dans la hiérarchie de la sainte Église.

Léon XIII avait auparavant rappelé la nécessité pour l’unité de l’Église qu’il n’y ait pas de dissension dans l’épiscopat :

« Par où l’on peut comprendre que les hommes ne se séparent pas moins de l’unité de l’Église par le schisme que par l’hérésie. On met cette différence entre l’hérésie et le schisme, que l’hérésie professe un dogme corrompu ; par le schisme, on se sépare de l’Église en raison d’une dissension dans l’épiscopat. Ces paroles [de saint Jérôme] concordent avec celles de saint Jean Chrysostome sur le même sujet : Je dis et je proteste que diviser l’Église n’est pas un moindre mal que de tomber dans l’hérésie. C’est pourquoi, si nulle hérésie ne peut être légitime, de la même façon, il n’y a pas de schisme qu’on puisse regarder comme fait à bon droit. Il n’est rien de plus grave que le sacrilège du schisme : il n’y a pas de nécessité légitime de rompre l’unité » 6.

Le Pape Pie XII évoque au § 28 de l’encyclique l’existence de variations de pratiques ou de discipline au cours des temps, et d’ailleurs il interdit très sévèrement d’y recourir. Il s’agit évidemment de variations présentes dans la transmission ou dans la délégation du mandat apostolique ; mais celui-ci est toujours nécessairement lié au sacre épiscopal et antérieur à lui, et il ne peut provenir que du souverain Pontife : c’est la nature même de l’épiscopat, laquelle appartient à la Constitution de l’Église.

À l’immuable Constitution divine de l’Église de Jésus-Christ, les consécrations épiscopales effectuées sans mandat apostolique portent une double atteinte gravissime :

– la première est contre l’apostolicité de l’Église, en laquelle tout est fondé sur les Apôtres : sur la foi des Apôtres et sur les pouvoirs des Apôtres, le tout nous étant transmis en toute assurance et en toute exclusivité par saint Pierre et ses successeurs ;

– la seconde est contre l’unité de l’Église, qui est (aussi) une unité hiérarchique. Tout évêque qui n’intègre pas la hiérarchie catholique formée par l’autorité légitime, établit, malgré qu’il en ait, une autre [pseudo]-hiérarchie ; c’est par nature que l’évêque est un hiérarque, un prince du Corps mystique (et pas simplement un prêtre amélioré) : « Habet enim ordinem episcopus per comparationem ad Corpus Christi mysticum, quod est Ecclesia… sed quantum ad Corpus Christi verum, non habet ordinem supra presbyterum ; l’évêque a un ordre relatif au Corps mystique du Christ, qui est l’Église… relativement au Corps physique du Christ, l’évêque n’a pas d’ordre au-dessus du prêtre » 7.

Nous nous adresserons à des évêques sacrés selon le rite traditionnel de l’Église, certes sans mandat, mais ayant fait une déclaration publique de leur foi et de leur attachement à l’unité de la Sainte Église et à ses lois, ainsi que de leur fidélité inébranlable à l’enseignement constant de notre Mère la Sainte Église catholique.

Une déclaration d’intention et de bonne foi ne peut guérir la malice d’un acte qui s’attaque à la Constitution de l’Église ; d’un acte qui est contraire à l’unité et l’apostolicité de l’Église, un acte puni de l’excommunication latæ sententiæ la plus rigoureuse. On se moque du monde. De tels principes sont l’abolition de tout ordre moral et de toute vie sociale. Il suffit d’avoir une bonne intention ! Il suffit d’un peu de bla-bla et hop ! passez, muscade !

Monseigneur Donald Sanborn, un de mes confrères de séminaire, remplit pleinement ces conditions, ayant la ferme intention de déposer son sacre aux pieds de la Suprême Autorité du Pape dès qu’elle sera rétablie sur le Siège de Pierre. Sacré par Mgr Mac Kenna, lui-même sacré par Mgr Guérard des Lauriers, il affirme – je l’ai entendu moi-même de sa bouche – que s’il advenait, de son vivant, que Dieu nous envoie un pape véritable, il déposerait aussitôt son épiscopat à ses pieds, ne voulant plus en user que par un mandat romain.
Monseigneur Geert Stuyver, de son côté, a la même attitude dans la tourmente post-conciliaire : lui aussi, comme on peut le constater dans toute sa conduite, ne veut user de son épiscopat reçu du même Mgr Mac Kenna, que dans le respect de la foi et de l’unité de la Sainte Église, comme le prouve la déclaration de l’abbé Riccossa, le jour de son sacre :
« Le nouvel évêque s’engage à remettre son épiscopat dans les mains du Saint-Père, quand Dieu voudra en donner un à sa Sainte Église, qui est l’Église Catholique, Apostolique et Romaine. Il reconnaît recevoir dans la consécration épiscopale, la plénitude du pouvoir d’ordre, particulièrement pour administrer le sacrement de l’Ordre et de la Confirmation, mais ne recevoir d’aucune façon le pouvoir de juridiction que l’évêque ne peut tenir que du Saint-Siège. Nous reconnaissons qu’il ne jouit pas pour autant, en tant qu’évêque, du pouvoir de gouverner dans la Sainte Église, ni du pouvoir d’enseigner comme membre de l’Église enseignante. »

Merveille ! Ces deux évêques de qui doit venir le salut n’ont reçu aucune mission de l’Église, aucun pouvoir épiscopal de l’Église, aucun mandat apostolique. Mais voici que l’Abbé Guépin lui-même leur donne apostoliquement mandat pour confirmer, ordonner, et, pourquoi pas ? sacrer.

Comment confirmeront-ils des soldats de l’Église, ces hommes qui ne sont pas évêques de l’Église ? Comment ordonneront-ils des ministres de l’Église, ces hommes qui ne sont pas évêques de l’Église ? Et Geert Stuyver n’est même pas prêtre de l’Église

Quelle garantie pourrons-nous avoir de la réalité de leurs pouvoirs sacramentels, quand seule l’Église peut nous la donner ?

Ils sont plus puissants que Notre-Seigneur Jésus-Christ, lequel a cru devoir témoigner qu’il a bien légitimement reçu le pouvoir qu’il confère : « Comme j’ai été envoyé, moi aussi je vous envoie… Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la terre. »

Et ce n’est pas l’ultime déclaration d’anti-apostolicité qui va rétablir l’affaire : elle ne fait que manifester la vacuité de l’usurpation. La première condition de la fidélité est de ne pas rompre la doctrine ni la continuité de l’Église.

Puissent ces quelques rappels, chers fidèles, apporter la lumière nécessaire dans nos temps si troublés ! Que Dieu nous garde dans la fidélité à notre sainte foi. Que Notre Dame du Bon Conseil, Notre Dame de la Sagesse nous guide. Que les Saints du ciel nous assistent, pour persévérer dans le bon combat jusqu’à la mort.
Terminé le 7 mars, en la fête de saint Thomas d’Aquin, dans le mois consacré à saint Joseph, patron de l’Église universelle et terreur des démons.
Abbé Philippe Guépin

C’est à mon tour de conclure…

Nous venons de parcourir un déni de rigueur théologique, un dédain du Magistère d’une effronterie hélas commune : La volonté de Jésus-Christ instituant et constituant son Église, la volonté de Jésus-Christ s’exprimant par le Magistère de son Vicaire, est trop dure : il y a des fidèles doctrinalement à l’abandon qui réclament, des bonnes sœurs qui sottisent, des confrères peut-être qui pressent, des amis qui instrumentalisent, la solitude qui pèse, l’espérance qui chancelle… Eh bien ! substituons notre volonté à celle de Dieu.

Comment ne pas penser à la déchéance de Saül ? I Reg. XIII, 5-14 :

« Les Philistins s’assemblèrent aussi pour combattre contre Israël ; ils avaient trente mille chars, six mille chevaux, et une multitude de fantassins aussi nombreuse que le sable qui est sur le rivage de la mer. Et ils vinrent camper à Machmas, à l’orient de Bethaven. Les Israélites, ayant vu qu’ils étaient comme à l’extrémité (car le peuple était tout abattu), allèrent se cacher dans les cavernes, dans les lieux les plus secrets, dans les rochers, dans les antres et dans les citernes. Les autres Hébreux passèrent le Jourdain, et vinrent au pays de Gad et de Galaad. Saül était encore à Galgala ; mais tout le peuple qui le suivait était dans l’effroi.

« Il attendit sept jours, comme Samuel le lui avait ordonné. Cependant Samuel ne venait point à Galgala ; et peu à peu tout le peuple abandonnait le roi. Saül dit donc : Amenez-moi l’holocauste et les victimes pacifiques. Et il offrit l’holocauste. Lorsqu’il achevait d’offrir l’holocauste, Samuel arriva. Et Saül alla au-devant de lui pour le saluer.

« Samuel lui dit : Qu’avez-vous fait ? Saül lui répondit : Voyant que le peuple me quittait l’un après l’autre, que vous n’étiez point venu au jour que vous aviez dit, et que les Philistins s’étaient assemblés à Machmas, j’ai dit en moi-même : Les Philistins vont venir m’attaquer à Galgala, et je n’ai point encore apaisé le Seigneur. Étant donc contraint par cette nécessité, j’ai offert l’holocauste.

« Samuel dit à Saül : Stulte egisti, vous avez agi follement, et vous n’avez point observé les ordres que le Seigneur votre Dieu vous avait donnés. Si vous n’aviez pas fait cette faute, le Seigneur aurait maintenant affermi à jamais votre règne sur Israël ; mais votre règne ne subsistera pas à l’avenir. Le Seigneur s’est cherché un homme selon son cœur, et il lui a commandé d’être chef de son peuple, parce que vous n’avez point observé ce qu’il vous a ordonné. »

Comment ne pas évoquer les disciples de Jésus après le discours du Pain de Vie ? Jo. VI, 61 ; 67-70 :

« Beaucoup de ses disciples, l’ayant entendu, dirent : Cette parole est dure, et qui peut l’écouter ? […] Dès lors beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui. Jésus dit donc aux douze : Et vous, est-ce que vous voulez aussi vous en aller ?

« Simon-Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu. »

Seigneur Jésus,
votre Église, la sainte Église catholique romaine,
possède, tout comme vous et par vous, les paroles de la vie éternelle ;
elle possède en son chef les clefs du Royaume des cieux :
à qui irions-nous ?
La nécessité présente est pressante, votre parole semble dure…
Donnez-nous la grâce de ne pas vous fuir,
ni vous ni votre Église sainte telle que vous l’avez fondée.
Nous croyons et nous professons que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu.
Dans la désolation, ma prière et ma dernière parole iront en direction de M. l’Abbé Guépin : Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominum Deum tuum.

Saint-Maixant, le 13 mars 2020 Abbé Hervé Belmont

Notes

  1. De motione œcumenica 20 décembre 1949, A.A.S. 42 (1950), pp. 142 sqq.
  2. Questions Réponses, révolution et contre-révolution. Montrottier 2000, p. 32
  3. Bref Quod Aliquantum, 10 mars 1791
  4. Mgr Francis Trochu, Vie du Bienheureux Noël Pinot, p. 65
  5. Satis Cognitum, § 71
  6. Satis Cognitum, 29 juin 1896, § 49
  7. saint Thomas d’Aquin, de Perfectione vitæ spiritualis, c. 24

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