Autour de l’appartenance à l’Église catholique

La doctrine catholique qui traite de l’appartenance sainte Église a été l’une des plus malmenées par les ennemis de la foi catholique ; mais elle est aussi souvent déformée et méconnue par l’ignorance de ceux qui la veulent défendre. Triste est notre époque : la paresse de l’esprit est si forte et si répandue que nombreux s’imaginent qu’il suffit de « bonne volonté » pour s’ériger en docteur de la foi et en pourfendeur de l’hérésie — quitte à tomber soi-même dans d’autres erreurs tout aussi ravageuse de la foi.
Quoi qu’il en soit, voici une petite étude qui vise à éclairer trois points de cette doctrine.
I. Hors de l’Église pas de salut
II. Le baptême de désir
III. Est-ce « le même Dieu » ?

I. Hors de l’Église, pas de Salut

Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné (Marc. XVI, 16). Notre Seigneur a livré à ses Apôtres, comme en un ultime testament, cette sentence de l’Évangile qui, avec son mode catégorique et sa dissymétrie qui semble contredire les lois de la logique 1, contient et révèle le mystère de la vérité terrible et salutaire condensée dans l’expression Hors de l’Église, pas de Salut.

Comme les ennemis de l’Église et ses fils indociles, selon l’avertissement de Pie XII, « réduisent à une vaine formule la nécessité d’appartenir à l’Église pour arriver au salut éternel » (Humani Generis, 12 août 1950. Acta Apostolicæ Sedis 1950, p. 571), quelques rappels et explications ne seront pas inutiles.

Un enseignement constant

Cette vérité est un dogme de la foi catholique ; tout au long des siècles, elle a été enseignée et définie à maintes reprises, dont voici les plus caractéristiques.

« Nous croyons de cœur et professons de bouche une seule Église, non celle des hérétiques, mais la sainte Église Romaine, catholique et apostolique ; nous croyons que, hors d’elle, personne n’est sauvé… » (Innocent III, Ejus exemplo, 18 décembre 1208, Denzinger 423).

« Il y a une seule Église universelle des fidèles, hors de laquelle absolument personne n’est sauvé » (Innocent III, profession de foi du concile Latran IV (1215), Denzinger 430).

« La foi nous oblige instamment à croire et à tenir une Église, sainte, catholique et apostolique. Nous y croyons fermement, nous la confessons simplement. Hors d’elle, il n’y a pas de salut, ni de rémission des péchés… » (Boniface VIII, bulle Unam Sanctam, 18 novembre 1302, Denzinger 468).

« Personne, si grandes soient ses aumônes, eût-il versé son sang pour le nom du Christ, ne peut être sauvé s’il ne demeure dans le sein et dans l’unité de l’Église catholique… » (Eugène IV, concile de Florence, Cantate Domino (1442), Denzinger 714).

« Par cela même qu’on établit la liberté de tous les cultes sans distinction, on confond la vérité avec l’erreur, et on met au rang des sectes hérétiques et même de la perfidie judaïque l’Épouse sainte et immaculée du Christ, l’Église hors de laquelle il ne peut y avoir de salut 2. »

« Il faut donc tenir, de foi, que personne ne peut être sauvé en dehors de l’Église romaine apostolique… » (Pie IX, Singulari quadam, 9 décembre 1854, Denzinger 1647).

« Nous sommes tenus de croire, de foi divine et catholique, tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé non seulement par un jugement solennel, mais par le magistère ordinaire et universel. Or, parmi les choses que l’Église a toujours prêchées et ne cessera jamais de prêcher, se trouve aussi cette déclaration infaillible qui nous enseigne que hors de l’Église, il n’y a pas de salut » (Lettre du Saint-Office, 8 août 1949, Denzinger-S. 3866.).

Ainsi, l’Église catholique, qui est le Corps mystique de Jésus-Christ, n’a jamais cessé d’enseigner à propos d’elle-même ce que saint Pierre proclamait devant le Sanhédrin :

« [Jésus-Christ] est la pierre qui a été rejetée par vous les bâtisseurs, et qui est devenue la pierre d’angle. Il n’y a de salut en aucun autre ; car nul autre nom, sous le ciel, n’a été donné aux hommes, dans lequel nous devions être sauvés » (Act. IV, 11-12).

L’économie du Salut

Pour aller au ciel, tout homme, quel qu’il soit, doit être en état de grâce au moment de la mort. C’est la loi universelle et nécessaire du Salut éternel, qui s’applique à l’humanité entière, depuis Abel jusqu’à la fin du monde. Personne ne peut entrer dans la gloire de Dieu s’il n’a vécu ici-bas dans la grâce qui en est le germe, tout au moins s’il n’a eu la grâce de la persévérance finale, qui est la coïncidence du moment de la mort avec la présence de la grâce divine dans l’âme.

Être en état de grâce, c’est vivre de l’amour de Dieu, c’est participer à la vie intime de la très sainte Trinité, c’est être fait enfant de Dieu qui nous communique sa propre vie, c’est être exempt de ce qui nous détourne radicalement de Dieu notre fin dernière : le péché mortel. Cette grâce de Dieu, qui est dans l’essence de l’âme, dérive dans nos facultés en surélevant l’intelligence par la vertu de foi, et la volonté par l’espérance et la charité. Être en état de grâce, c’est donc posséder les trois vertus théologales : la foi catholique, l’espérance surnaturelle et la charité divine.

Pour être sauvé, il est impératif d’avoir la foi « sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu » (Heb. XI, 6). Quiconque a la foi (et n’est pas séparé par un péché de schisme) est surnaturellement uni à Jésus-Christ et appartient donc à son Corps mystique : l’Église catholique. Hors d’elle, pas de foi, pas d’état de grâce, pas de salut.

L’appartenance à l’Église

Pour appartenir visiblement à l’Église catholique, il faut être baptisé et professer extérieurement la foi catholique. Qui a simplement la foi théologale, sans être baptisé ou sans professer extérieurement la foi, appartient invisiblement mais réellement à l’Église visible : saint Thomas d’Aquin définit l’Église collectio fidelium (Contra Gentes IV, 78), l’ensemble des fidèles, la société de ceux qui ont la foi.

Il y a donc deux façons d’appartenir à l’Église catholique, l’une visible et l’autre invisible. Mais seul le premier mode est normal et stable, seul il peut assurer du Salut éternel. L’appartenance invisible à l’Église est précaire et fragile : elle doit tendre à l’appartenance visible, à laquelle il ne faut pas se dérober. Si l’on se dérobe, cette appartenance invisible devient vaine et se perd ; elle n’est en effet qu’une pierre d’attente 3.

La foi

C’est par la foi que nous sommes membres de l’Église catholique : la foi, étant le premier des biens de l’ordre surnaturel, nous unit à Jésus-Christ et nous introduit dans son Corps mystique.

La foi est un don gratuit de Dieu qui fait adhérer notre intelligence à la vérité révélée, qui nous fait croire tout ce que Dieu a révélé et qu’il nous enseigne par l’Église catholique. La foi est donc une vertu de l’intelligence, par laquelle celle-ci croit non à quelque chose au dessus de nous, non à un être supérieur, non à des forces inconnues et surhumaines mais à Dieu personnel et créateur, et à toute parole qui procède de lui.

Cependant, quelques vérités révélées par Dieu peuvent n’être crues que de façon implicite si on les ignore de façon non coupable et si l’on a la volonté de croire tout ce que Dieu révèle. Ainsi Abraham avait la foi théologale, c’est-à-dire la foi catholique. Il croyait explicitement tout ce que Dieu lui avait révélé, et implicitement toutes les vérités que Dieu révélerait dans l’avenir ; il croyait donc, par exemple, en l’Immaculée Conception de la très sainte Vierge Marie, malgré son ignorance de ce mystère qui ne s’était pas encore réalisé, parce qu’il croyait en toute parole de Dieu.

Pour croire implicitement les vérités de foi qu’on ignore, il faut au moins croire explicitement que Dieu existe et qu’il est rémunérateur : « Or sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie qu’il est et qu’il récompense ceux qui le cherchent » (Heb. XI, 6).

Ne peuvent donc avoir la foi surnaturelle – même implicite quant à certaines vérités révélées – ni les athées, ni les déistes qui n’admettent qu’un grand architecte ou un horloger qui se désintéresse de son œuvre, ni les agnostiques qui prétendent qu’on ne peut connaître Dieu, ni tous ceux qui refusent sciemment une vérité quelconque de la foi — et spécialement les malheureux qui ont quitté l’Église catholique. Ceux-ci n’ont pu le faire sans un péché très grave contre la foi, que jamais aucune raison ni aucune bonne foi ne pourront justifier (Concile du Vatican, Denzinger 1794 et 1815.) : peut-il y avoir une raison de déserter la lumière de la vérité divine ?

La miséricorde divine

L’homme n’a pas été créé pour peupler l’Enfer, mais pour jouir au Ciel de la béatitude divine. À tout homme qui vient en ce monde, Dieu donne donc les moyens nécessaires – et même surabondants – pour opérer son salut éternel ; un des tourments des damnés sera d’ailleurs l’évidence qu’ils sont en Enfer uniquement par leur faute, tandis que les élus du Ciel chanteront éternellement la miséricorde de Dieu à laquelle seule ils devront leur salut.

Dieu donne à tout homme l’occasion, et souvent de multiples occasions, d’accéder à l’état de grâce, et donc à la foi catholique.

Saint Thomas d’Aquin enseigne que, dans le premier acte de la raison parfaite, l’homme délibère de sa fin dernière avant de porter son choix sur les moyens aptes à procurer la fin à laquelle il s’est ordonné (cf. Ia-IIæ, q. LXXXIX, a. 6, c. et ad 3).

Le baptisé est déjà, par grâce, ordonné à sa véritable et unique fin dernière (surnaturelle) et c’est tout naturellement – à moins que sa première éducation ne l’ait perverti – qu’il va commencer à diriger ses actes en ce sens.

Quant à celui qui n’est pas baptisé,

  • soit il ne s’ordonne pas à sa véritable fin en refusant sa destinée surnaturelle (connue plus ou moins confusément). En ce cas, il prend à son compte le péché originel et se trouve ainsi détourné de la voie du salut éternel : il est en état de péché mortel, loin de la foi et de la charité ;
  • soit il s’ordonne à sa fin véritable (même connue confusément) et accomplit ainsi un acte de charité parfaite : il trouve la grâce divine et reçoit donc la lumière de la foi.

Un acte de charité parfaite semblable peut avoir lieu au cours de la vie, sous l’influence de la grâce divine et sous la forme d’un acte de contrition parfaite accompagné du désir de se soumettre en tout à Dieu.

Dans une âme en laquelle la lumière intérieure de la foi existe, mais qui professe extérieurement l’erreur, le Saint-Esprit œuvre pour que cette âme abandonne la profession de l’erreur et entre visiblement dans l’Église catholique ; pour cela il lui enverra un missionnaire, une illumination intérieure (Saint Thomas d’Aquin, De Veritate, q. XIV, a. 11, ad 1 ; in Rom. X, lect. 3) ou un moyen quelconque pour lui faire connaître la véritable Église qui est par elle-même le plus grand signe de son origine et de sa constitution divines (Concile du Vatican, de fide catholica, c. 3, Denzinger 1794).

Un pseudo-missionnaire qui viendrait alors lui dire « restez où vous êtes », qui prétendrait que « l’important est d’être sincère », qui lui prêcherait en paroles ou en actes l’indifférentisme ou qui ne lui présenterait qu’une caricature de l’Église, serait un criminel : il combattrait le travail intérieur de la grâce et renverrait cette âme dans les ténèbres de l’infidélité.

Ce qui sauve, ce n’est pas la profession de l’erreur ou d’une fausse religion (bien au contraire, elles entravent l’œuvre de la grâce), ce ne sont pas les qualités ou vertus naturelles (elles sont impuissantes à procurer le moindre mérite surnaturel), mais c’est la grâce divine. Elle sauve en faisant concevoir un acte de charité qui inclut la foi et la contrition : cela est un Baptême de désir qui fait entrer invisiblement dans l’Église celui qui n’en était pas membre. Cette appartenance invisible à l’Église, même si la Miséricorde de Dieu s’en contente dans de nombreux cas, doit nécessairement tendre, sous l’influence du Saint-Esprit, à devenir visible et parfaite par le sacrement de Baptême et la profession de la foi catholique.

Notons pour finir que si l’appartenance à l’Église est absolument nécessaire au salut éternel, elle ne suffit pas : il faut encore être un membre vivant de l’Église, uni à Notre-Seigneur non seulement par la foi mais aussi par la charité qui, seule, permet à la foi d’atteindre le but vers lequel elle tend et dont elle est comme une pierre d’attente : la vision béatifique.

« Celui qui croira et sera baptisé (qui appartiendra visiblement à l’Église, et qui persévérera dans la grâce du Baptême ou la retrouvera) sera sauvé ; celui qui ne croira pas (qui n’appartiendra pas même invisiblement à l’Église catholique) sera condamné. »

Et après, c’est l’Éternité.

II. Le baptême de désir

Un triste phénomène humain – dû à l’ignorance du paresseux, à la prétention de l’imbécile ou à l’aveuglement de l’orgueilleux – accompagne la vie de l’Église catholique pendant son pèlerinage sur la terre. Lorsque paraît une erreur, quelques-uns de ceux qui la veulent combattre tombent dans une erreur contraire et s’y retranchent avec d’autant plus d’entêtement qu’ils veulent (ou prétendent) combattre l’erreur. C’est même un funeste enchaînement qui peut se produire.

Ainsi, lorsqu’Arius a nié la divinité de Jésus-Christ, un certain Apollinaire s’est dressé contre son erreur en affirmant que Jésus-Christ est Dieu (ce qui est vrai) parce qu’il n’a pas d’âme humaine et que la divinité en tient lieu (ce qui est faux). Cette nouvelle erreur, qui est une négation du mystère de l’Incarnation et donc de la Rédemption, fut à son tour combattue par Nestorius qui affirmait qu’en Jésus-Christ il y a deux natures intègres qui n’ont pas fusionné (ce qui est vrai) et que l’union entre ces deux natures est simplement morale (ce qui est faux), ce qui le faisait blasphémer en niant la maternité divine de la sainte Vierge Marie.

On comprend donc qu’il ne suffit pas de s’opposer à l’erreur : il faut encore le faire sans tomber dans une autre erreur, laquelle peut être tout aussi destructrice de la vérité de la foi.

* * *

Il est un dogme de foi bien établi, mille fois enseigné et attesté depuis les origines de l’Évangile, que hors de l’Église catholique il n’y a pas de Salut éternel. Le monde a beau hurler à l’intolérance, les libéraux ont beau aseptiser ce dogme au nom de l’œcuménisme ou d’une prétendue charité, rien ne peut y faire : c’est une vérité de la foi catholique bien nette, bien franche, bien universelle.

Pour appartenir à la sainte Église catholique, Corps mystique de Jésus-Christ, il faut être baptisé (et aussi professer la foi catholique ainsi qu’être soumis à l’autorité légitime, mais ce n’est pas ici le propos).

Le Baptême est un des sept sacrements institués par Jésus-Christ pour appliquer les mérites de sa Passion ; il est le sacrement qui incorpore à son Église (et aussi, entre autres effets, imprime un caractère qui rend capable de recevoir les autres sacrements et de prendre une part réelle au saint sacrifice de la Messe).

Et donc le Baptême est nécessaire au Salut éternel.

Le sacrement de Baptême peut être suppléé, quant à l’effet de grâce, par le Baptême de sang et par le Baptême de désir. Le Baptême de sang est le martyre ; le Baptême de désir (ou de feu ou d’esprit) est la contrition parfaite, accompagnée du vœu ou désir du Baptême : c’est ainsi que les définit saint Alphonse de Liguori dans sa Théologie morale (livre VI de Sacramentis, traité ii de Baptismo et Confirmatione, chapitre i de Baptismo, n. 95).

Il enseigne au numéro suivant : « Le baptême de feu est la parfaite conversion à Dieu, par la contrition ou l’amour de Dieu par-dessus tout, accompagnée du vœu explicite ou implicite du vrai baptême d’eau, à l’effet duquel il supplée, dit le concile de Trente (session vi, c. 4). Cette suppléance concerne la rémission de la coulpe du péché, non le caractère à imprimer ni la totalité de la peine due au péché à supprimer. […] Il est de foi que les hommes sont aussi sauvés par le baptême de feu. »

Voilà qui est bien clair. Le Baptême de désir est un acte surnaturel de charité (ou de contrition parfaite, c’est équivalent) qui, parce qu’il inclut un acte de la foi théologale, fait réellement appartenir à l’Église catholique et, pour autant, procure le Salut.

On comprend dès lors que l’Office divin fasse l’éloge de martyrs qui n’ont pas reçu le baptême d’eau (par exemple, sainte Émérentienne, 23 janvier 4) ; de même saint Ambroise a procédé aux obsèques chrétiennes de l’empereur Valentinien II encore catéchumène, en déclarant : « Si martyres suo abluuntur sanguine et hunc sua pietas abluit et voluntas — de même que les martyrs sont purifiés par leur sang, de même sa piété et sa volonté ont purifié celui-ci. »

Ceux que le dogme Hors de l’Église pas de Salut hérisse ont trouvé dans la doctrine du Baptême de désir le prétexte rêvé pour réduire à un vain mot la nécessité de l’appartenance à l’Église catholique : n’importe quel désir du Baptême, ou n’importe quelle « bonne foi » sans désir, ou la simple vertu naturelle, ou n’importe quelle générosité dans l’incrédulité ont été étiquetés Baptême de désir, et donc ont été promus comme ouvrant la porte du Salut. C’est là un abus dévastateur pour l’intégrité de la foi catholique, pour l’honneur de l’Église et pour le Salut des âmes.

Contre cette dernière erreur, d’aucuns ont réagi en niant la réalité et l’efficacité pour le Salut du Baptême de désir. Ils sont tombés ainsi dans le déni de ce que toute la Tradition de l’Église proclame, et qui relève de la foi catholique, comme nous le rappelle opportunément saint Alphonse. Voulant combattre une erreur pernicieuse, ils sont tombés dans une erreur contraire tout aussi pernicieuse. Notre diagramme s’observe une fois de plus.

* * *

Cette erreur – la négation du Baptême de désir comme produisant le Salut – qui s’accompagne d’un vrai mépris pour ceux qui, humblement, s’en tiennent à la doctrine certaine, commune et antique de l’Église catholique, a eu comme porte-drapeau un jésuite américain de Boston, le Père Léonard Feeney (1897−1978). Son influence s’est exercée principalement en Amérique du Nord.

Mais sa fausse doctrine grignote la vieille chrétienté, servie par une propagande apte à impressionner les esprits peu au fait de la doctrine catholique. Cette propagande est d’autant plus pernicieuse que les fauteurs de cette erreur se présentent comme des « durs », des anti-Vatican II, des sans-compromission : ce qui séduit souvent les esprits superficiels qui ne cherchent pas plus avant.

Pour que la doctrine catholique soit bien comprise et bien claire, reportons-nous à une lettre émanant du Saint-Office.

Le décret d’excommunication du Père Feeney (1953) fait suite à une lettre adressée en 1949 par le même Saint-Office à l’archevêque de Boston, pour établir dans les faits et réfuter dans la doctrine les menées du Père Feeney. Bien que ce texte ne parût pas aux Acta Apostolicæ Sedis, son autorité est grande et son exposé lumineux.

Quelques années avant la lettre en question et l’excommunication du Père Feeney, un groupe d’étudiants de l’Université de Harvard se réunissait régulièrement au Centre d’accueil Saint-Benoît, à Boston, dont l’aumônier était le R. P. Léonard Feeney s. j.

Trois professeurs laïques furent exclus du collège des Pères Jésuites par décision du recteur, parce que professant à propos de l’affirmation Hors de l’Église pas de salut des doctrines erronées.

Mais bientôt le Père Feeney prit fait et cause pour ces professeurs et il les intégra dans le corps professoral de son Centre, se rebellant ainsi contre son supérieur. L’archevêque de Boston, Mgr Cushing, se vit obligé de condamner le Père Feeney et de lui enlever à partir du 1er janvier 1949 les pouvoirs d’entendre les confessions.

Une lettre du Saint-Office à l’archevêque de Boston dénonça l’hérésie du Père Feeney, mais celle-ci ne fut pas rendue publique au moment de sa publication le 8 août 1949.

Voici donc le texte de cette Lettre du Saint-Office.

Cette Suprême Sacrée Congrégation a suivi très attentivement le commencement et le cours de la sérieuse controverse, soulevée par certains associés du St. Benedict Center et du Boston College, concernant l’interprétation de la maxime : Hors de l’Église point de salut.

Après avoir examiné tous les documents nécessaires ou utiles sur ce sujet – entre autres le dossier envoyé par votre chancellerie, les recours et rapports où les associés du St. Benedict Center exposent leurs opinions et leurs réclamations, et en outre beaucoup d’autres documents se rapportant à cette controverse recueillis par voie officielle, – la Sacrée Congrégation a acquis la certitude que cette malheureuse question a été soulevée parce que le principe « hors de l’Église point de salut » n’a pas été bien compris ni examiné et que la controverse s’est envenimée par suite d’un sérieux manquement à la discipline, provenant du fait que certains membres des associations mentionnées ont refusé respect et obéissance aux autorités légitimes.

En conséquence, les Éminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de notre Suprême Congrégation ont décrété en session plénière, le mercredi 27 juillet 1949, et le Souverain Pontife, en l’audience du jeudi suivant 28 juillet 1949, a daigné approuver l’envoi des explications doctrinales, de l’invitation et des exhortations suivantes.

Nous sommes obligés par la foi divine et catholique à croire toutes les choses que contient la Parole de Dieu, Écriture ou Tradition, et que l’Église propose à la foi comme divinement révélé non seulement par un jugement solennel, mais encore par son magistère ordinaire et universel (Denzinger 1792).

Or, parmi les choses que l’Église a toujours prêchées et ne cessera pas d’enseigner, il y a aussi cette déclaration infaillible où il est dit qu’il n’y a pas de salut hors de l’Église.

Cependant, ce dogme doit s’entendre dans le sens que lui attribue l’Église elle-même. Le Sauveur, en effet, a confié l’explication des choses contenues dans le dépôt de la foi, non pas au jugement privé, mais à l’enseignement de l’autorité ecclésiastique.

Or, en premier lieu, l’Église enseigne qu’en cette matière il existe un mandat très strict de Jésus-Christ, car il a chargé explicitement ses apôtres d’enseigner à toutes les nations d’observer toutes les choses qu’il avait lui-même ordonnées (Matth. XXVIII, 19-20).

Le moindre de ces commandements n’est pas celui qui nous ordonne de nous incorporer par le Baptême au Corps mystique du Christ qui est l’Église, et de rester unis avec lui et avec son Vicaire par qui lui-même gouverne ici-bas son Église de façon visible.

C’est pourquoi nul ne se sauvera si, sachant que l’Église est d’institution divine par le Christ, il refuse malgré cela de se soumettre à elle ou se sépare de l’obédience du Pontife romain, Vicaire du Christ sur la terre.

Non seulement notre Sauveur a-t-il ordonné que tous les peuples entrent dans l’Église, il a aussi décrété que c’est là un moyen de salut sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume éternel de la gloire.

Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que, puisqu’il s’agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l’homme non par nécessité intrinsèque, mais seulement par institution divine, leurs effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances, lorsque ces moyens sont seulement objets de « désir » ou de « souhait ». Ce point est clairement établi au Concile de Trente aussi bien à propos du sacrement de Baptême qu’à propos de la Pénitence (Denzinger 796 & 807).

Il faut en dire autant, à son plan, de l’Église en tant que moyen général de salut. C’est pourquoi, pour qu’une personne obtienne son salut éternel, il n’est pas toujours requis qu’elle soit de fait incorporée à l’Église à titre de membre, mais il faut lui être uni tout au moins par désir ou souhait.

Cependant, il n’est pas toujours nécessaire que ce souhait soit explicite comme dans le cas des catéchumènes. Lorsque quelqu’un est dans une ignorance invincible, Dieu accepte un désir implicite, ainsi appelé parce qu’il est inclus dans la bonne disposition de l’âme, par laquelle l’homme désire conformer sa volonté à celle de Dieu.

Ces choses sont clairement exprimées dans la Lettre dogmatique publiée par le Souverain Pontife Pie XII, le 29 juin 1943, « sur le Corps mystique de Jésus-Christ » (AAS XXXV, pp. 193 sqq.). Dans cette Lettre, en effet, le Souverain Pontife distingue clairement ceux qui sont actuellement incorporés à l’Église comme membres et ceux qui lui sont unis par le désir seulement.
Parlant des membres qui forment ici-bas le Corps mystique, le même auguste Pontife dit : « Seuls font partie des membres de l’Église ceux qui ont reçu le Baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d’autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l’ensemble du Corps ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime » (Mystici Corporis).

Vers la fin de la même Encyclique, invitant à l’unité, avec la plus grande affection, ceux qui n’appartiennent pas au corps de l’Église catholique, il mentionne ceux qui « par un certain désir et souhait inconscient, se trouvent ordonnés au Corps mystique du Rédempteur » (Mystici Corporis). Il ne les exclut aucunement du salut éternel, mais il affirme par ailleurs qu’ils se trouvent dans un état « où nul ne peut être sûr de son salut éternel » (ibid.), et même qu’« ils sont privés de tant et de si grands secours et faveurs célestes, dont on ne peut jouir que dans l’Église catholique » (ibid.).

Par ces paroles, le Pape condamne aussi bien ceux qui excluent du salut éternel les hommes qui ne sont unis à l’Église que par le désir implicite, que ceux qui affirment erronément que tous les hommes peuvent se sauver à titre égal dans toutes les religions (cf. Pie IX, Singulari quadam, Denzinger 1642 sqq. ; Pie IX, Quanto conficiamur mœrore, Denzinger 1677).

Cependant, il ne faudrait pas croire que n’importe quelle sorte de désir d’entrer dans l’Église suffise pour le salut. Le désir par lequel quelqu’un adhère à l’Église doit être animé de charité parfaite. Un désir implicite ne peut pas non plus produire son effet si l’on ne possède pas la foi surnaturelle « car celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il rémunère ceux qui le cherchent » (Heb. XI, 6). Le Concile de Trente déclare : « La foi est le principe du salut de l’homme, le fondement et la racine de toute justification. Sans elle, il est impossible de plaire à Dieu et de compter parmi ses enfants » (Session VI, c. 8 ; Denzinger 801).

Il est évident, d’après ce qui précède, que les idées proposées par le périodique From the Housetops (n. 3) comme l’enseignement authentique de l’Église catholique, sont loin de l’être et sont très dangereuses aussi bien pour ceux qui sont dans l’Église que pour ceux qui vivent en dehors d’elle.

De cet exposé doctrinal découlent certaines conclusions touchant à la discipline et à la conduite, que ne peuvent méconnaître ceux qui défendent avec vigueur la nécessité d’appartenir à la véritable Église et de se soumettre à l’autorité du Pontife romain et des évêques « que l’Esprit-Saint a désignés pour gouverner l’Église » (Act. XX, 28).

C’est pourquoi il est inexplicable que le St. Benedict Center puisse prétendre être un groupe catholique et désirer être considéré comme tel et qu’en même temps il ne se conforme pas aux prescriptions des canons 1381 et 1382 du Code de droit canonique, et continue d’être une cause de discorde et de révolte contre l’autorité ecclésiastique, et de trouble pour beaucoup de consciences.

En outre, il est difficile de comprendre qu’un membre d’un Institut religieux, le P. Feeney, se présente comme « défenseur de la foi » et qu’en même temps il n’hésite pas à attaquer l’enseignement donné par les autorités légitimes et ne craigne même pas d’encourir les graves sanctions dont le menacent les sacrés canons pour les violations graves de ses devoirs de religieux, de prêtre et de simple membre de l’Église.

Enfin, il n’est pas prudent de tolérer que certains catholiques revendiquent pour eux-mêmes le droit de publier un périodique, dans l’intention d’y exposer des doctrines théologiques, sans la permission de l’autorité ecclésiastique compétente, que l’on appelle imprimatur et qui est prescrite par les sacrés canons.

Ceux, donc, qui s’exposent au grave danger de s’opposer à l’Église, doivent méditer sérieusement qu’une fois que « Rome a parlé », ils ne peuvent passer outre même pour des raisons de bonne foi. Leur lien à l’Église et leur devoir d’obéissance sont certainement plus stricts que pour ceux qui adhèrent à elle « seulement par un désir inconscient ». Qu’ils comprennent qu’ils sont les enfants de l’Église, affectueusement soutenus par elle avec le lait de la doctrine et les sacrements, et que, après avoir entendu la voix de leur Mère, ils ne peuvent donc pas être excusés d’ignorance coupable. Qu’ils comprennent que le principe suivant s’applique à eux sans restriction : La soumission à l’Église catholique et au Souverain Pontife est nécessaire au salut.

Ce document fut rendu public le 4 septembre 1952. Le Père Feeney, au lieu de se soumettre, se révolta davantage et commença une campagne de violence contre l’autorité de l’Église. Le 25 octobre 1952, il fut mandé à Rome mais refusa de s’y rendre ; après un dernier avertissement, il fut excommunié.

Il continua à occuper le Centre Saint-Benoît et eut une centaine d’adeptes qui, au milieu de leurs prières, lançaient des invectives. Ils prirent le nom d’Esclaves du Cœur Immaculé de Marie. Le Père Feeney fut absous par Paul VI en 1972, sans qu’aucune rétractation lui soit demandée ! Belle collusion…

Décret du Saint-Office

Comme le prêtre Léonard Feeney, résidant à Boston (Saint Benedict Center), lequel à cause du grave refus d’obéissance à l’Autorité ecclésiastique avait été déjà suspendu a divinis, nonobstant les avertissements réitérés et l’instante menace d’excommunication à encourir ipso facto, n’est pas venu à résipiscence, les Éminentissimes et Révérendissimes Pères préposés à la sauvegarde de la foi et des mœurs, dans la séance plénière du mercredi 4 février 1953, l’ont déclaré excommunié avec tous les effets de droit.
Et le jeudi 12 février 1953, Sa Sainteté Pie XII, Pape par la Providence de Dieu, a approuvé, confirmé le décret des Éminentissimes Pères et ordonné qu’il fût rendu public.

(AAS XLV, 1953, p. 100)

III. Les catholiques et les musulmans honorent-ils « le même Dieu ? »

Un des lieux communs les plus répandus et les plus dissolvants pour la foi est que les musulmans honorent le vrai Dieu, Créateur du Ciel et de la terre, et, partant, le même Dieu que les catholiques. Une affirmation aussi audacieuse rend nécessaire et urgent de rappeler quelques vérités élémentaires de la doctrine catholique.

Objectivement, tous les hommes – qu’ils y croient ou n’y croient pas – ont le même Dieu. Le Dieu éternel, un et Trine, créateur du Ciel et de la terre, fin dernière, est unique. Mais tous ne connaissent pas et n’honorent pas le seul vrai Dieu :

– il y a tout d’abord ceux qui ne croient pas à l’existence d’un Dieu personnel, transcendant, créateur ;
– il y a aussi tous ceux qui nient la divinité de Jésus-Christ.

Car le seul vrai Dieu est Jésus-Christ. Le dogme de la sainte Trinité nous apprend que chaque personne est Dieu, et Dieu tout entier ; que chaque personne est strictement identique à la nature divine. Jésus-Christ est donc Dieu et le seul Dieu (un avec le Père et le Saint-Esprit). Qui nie cela nie la sainte Trinité.

La connaissance naturelle de l’homme ne peut pas s’élever au dessus de l’unicité de Dieu. Mais cette infirmité ne doit pas nous leurrer ; penser que Dieu est un fondamentalement, puis que la trinité des personnes est comme surajoutée en un second temps, serait une erreur pernicieuse et destructrice de la foi catholique. Dans l’être, Dieu est un et trine, uniment, inséparablement et indissolublement.

La Trinité n’est pas un attribut de Dieu, une qualité que la raison humaine distingue en Dieu (par un concept distinct avec un fondement en Dieu) pour mieux connaître et exprimer Dieu.

La Trinité est l’être même de Dieu, son être fondamental ; on pourrait même dire qu’elle est plus fondamentale que l’unité et l’unicité de Dieu, parce qu’elle est plus inaccessible, plus intime, plus « la déité ».

La Trinité est l’identité de Dieu. Voici ce qu’écrit le cardinal Billot : « E contra, etsi Deus generando non acquirat esse quo prius carebat, tamen si per impossibile non generaret, non eodem modo se haberet, et non esset idem Deus » (De Deo Uno et Trino, q. XXVIII, thes. 6).

[Billot est en train de répondre à une objection sur la réalité des relations divines, arguant du fait qu’il n’y a pas de relation réelle aux créatures en Dieu par suite de la création « quia Deus creando non mutatur », et voulant appliquer un raisonnement identique à la génération éternelle du Fils.]

En conséquence de cette « identité divine », quelqu’un qui ne se contente pas d’ignorer la sainte Trinité mais qui la refuse, ne vénère pas le vrai Dieu, l’unique Dieu créateur et fin de l’univers tout entier.

Dès lors, distinguons trois cas très différents.

1] Celui d’Aristote et de ses émules.
La raison naturelle peut arriver à la certitude de l’existence d’un seul Dieu personnel, éternel et tout-puissant, créateur de toutes choses. (Cette possibilité est même un dogme de la foi catholique). Cette connaissance naturelle de Dieu fait abstraction de la sainte Trinité, dont elle ne peut rien savoir, ni deviner et encore moins prouver. Ceux qui affirment l’existence de Dieu connu par la lumière de la raison connaissent le vrai Dieu. Ils le connaissent très imparfaitement, mais ils connaissent leur véritable créateur et Seigneur, et pour autant l’honorent.

2] Le cas des musulmans et de leurs émules.
Ils affirment bien l’existence de Dieu créateur, mais ils affirment en même temps (et plus fortement encore) que ce Dieu « n’a pas de Fils », que ce Dieu n’est pas Jésus-Christ.

L’Islam ne fait pas abstraction de la sainte Trinité : il la nie. Il décrète qu’elle est blasphème. L’Islam n’ignore pas Jésus-Christ : il nie farouchement qu’il soit Dieu. Si leur Dieu n’est pas Jésus-Christ, il n’est pas le vrai Dieu : car le vrai Dieu est Jésus-Christ. L’Allah de l’Islam ne peut pas être le vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre ; il n’est qu’un être imaginaire… ou bien celui qui aimerait se faire passer pour Dieu.

3] Le cas des juifs postérieurs à Jésus-Christ.
Leurs pères ont connu et honoré le vrai Dieu ; leurs ancêtres ont rejeté et renié Jésus-Christ ; tant qu’ils adhèrent à ce rejet, par le fait même, ils rejettent le Dieu de leurs pères — malgré qu’ils en aient.

Cette situation particulière était décrite par un mot spécial : perfides (c’est-à-dire qui ont déserté la foi [croyance et engagement] de leurs pères), qu’il ne faut plus employer, paraît-il, mais qui décrivait précisément leur situation particulière (car les juifs ne sont pas des infidèles). Ce mot était une qualification technique, et non pas un jugement moral porté sur la loyauté de chaque juif.

* * *

Vatican II fait une large part à ces nouveautés. Pour tenter de les étayer, il ne trouve rien. Il en est réduit à invoquer (à tort) une lettre de saint Grégoire VII, dont la traduction est en outre plus ou moins gauchie. À l’en croire, le saint Pape aurait tenu des propos analogues à ceux des modernes œcuménistes (saint Grégoire VII, Epist. 21 ad Anzir (Nacir), regem Mauritaniæ : éd. Caspar in MGH Ep. sel. II, 1920, I, p. 288, 11-15 ; PL 148, 450 s. 6).

Il n’en est rien.

Saint Grégoire affirme : « Vous et nous qui, bien que ce soit sous une forme différente, adorons un Dieu unique, et qui chaque jour louons et vénérons en lui le créateur des siècles et le maître du monde : qui unum Deum, licet diverso modo, credimus et confitemur… »

Il n’est pas question du même (eundem) Dieu, mais du Dieu unique (unum) ; et le « sous une forme différente » (diverso modo) distingue bien, affirme bien l’absence d’identité.

Et d’ailleurs le destinataire de cette lettre de saint Grégoire est un berbère, chef d’un royaume de « Mauritanie », Al Nacir, ou Anzir. Il est difficile de retrouver sa trace. Le DTC l’ignore totalement (il n’est jamais cité en aucun article) ; le grand Mourre également. Fliche, dans La réforme grégorienne y fait deux allusions (sous le nom d’Anazir) sans apporter de précision. En particulier, il est difficile d’avoir confirmation qu’Al Nacir professait l’islam. Si c’est le cas (dato, non concesso), il faut reconnaître qu’il est un singulier musulman, qui rachète les chrétiens de son royaume, et qui s’implique dans l’établissement de la hiérarchie catholique.

Et saint Grégoire VII s’adresse au singulier à ce singulier musulman, comme à un homme dont il connaît le cœur. Et ce texte de saint Grégoire VII est singulier. Il est bien évident que les pères conciliaires de Vatican II eussent été contents d’étayer Nostra ætate de nombreux textes du magistère antérieur, et que visiblement ils n’ont trouvé que cette lettre de saint Grégoire VII, qui semble bien constituer un hapax.

Voilà trois singulier qui me semblent rendre difficile de tirer une conclusion générale, et plus encore d’attribuer à ce texte une valeur de lieu théologique ou de source dogmatique.

Aussi saint Pie V écrivait-il le 5 mars 1571 dans la constitution apostolique Salvatoris Domini, fixant au 7 octobre la fête du Rosaire : « Nous tenons en particulier que ne soit jamais oubliée la mémoire de cette grande victoire [Lépante] obtenue de Dieu par les mérites et l’intercession de cette glorieuse Vierge le 7 octobre 1570 contre les Turcs, ennemis de la foi catholique. »

Notes

  1. La logique aurait voulu, en effet, que le second membre de la phrase fût ainsi libellé : « Celui qui ne croira pas ou qui ne sera pas baptisé sera condamné ». Par cet apparent illogisme notre Seigneur sous-entend l’existence de deux modes (inégaux) d’appartenance à l’Église.
  2. Pie VII, Post tam diuturnum, 28 avril 1814, au sujet du projet de la Charte par laquelle le roi de France Louis XVIII, ne restaurant rien, a prolongé l’essentiel de l’œuvre de la révolution : l’exclusion de la royauté de Jésus-Christ.
  3. « Pour ceux-là mêmes qui n’appartiennent pas [visiblement] à l’organisme visible de l’Église, (…) nous les avons invités tous et chacun, de toute notre affection, à céder librement et de bon cœur aux impulsions intimes de la grâce divine et à s’efforcer de sortir d’un état où nul ne peut être sûr de son salut éternel » Pie XII, Mystici Corporis, 29 juin 1943, Denzinger-S. 3821.
  4. Éloge de la sainte au bréviaire : « Émérentienne, vierge romaine, sœur de lait de la bienheureuse Agnès, et encore catéchumène, était animée d’une foi et d’une charité ardentes. Comme elle reprochait avec véhémence aux adorateurs des idoles les violences qu’ils exerçaient contre les chrétiens, elle fut lapidée par une multitude ameutée. Priant au milieu de ses souffrances, elle fut baptisée dans son propre sang, qu’elle répandit courageusement pour Jésus-Christ et rendit son âme à Dieu près du tombeau de sainte Agnès.

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