Jusqu’au néant…

Dès que l’on cède sur un point de la foi catholique et qu’on se soustrait à son intégrité, la chute est rapide qui entraîne à des négations fondamentales. C’est que la foi catholique est un tout indivisible, et achopper sur un point c’est perdre l’ensemble.

Cela est d’autant plus vrai quand il s’agit de la doctrine qui concerne la règle de la foi elle-même et la Constitution de la sainte Église.

Au moment du concile Vatican II et de sa brutale mise en œuvre, des catholiques bien avisés ont eu le courage de refuser les réformes conciliaires et d’organiser la résistance aux erreurs modernistes alors devenues « doctrine officielle ». Ils ont hâtivement bâti des digues pour s’opposer au déferlement des nouveautés qui menaçaient la foi et la vie chrétienne, et ils ont eu beaucoup de mérite à le faire. Comme il était plus ou moins inévitable, parmi les matériaux dont étaient composées ces digues se trouvaient quelques arguments approximatifs, partiels, bancals, fautifs. On n’y prenait pas garde : l’important était l’efficacité immédiate, il ne fallait pas se laisser submerger ni emporter.

Là où les choses commencèrent à se gâter, c’est quand, après l’établissement de cette première ligne de défense, on a négligé de prendre un peu de recul : il était pourtant devenu nécessaire d’examiner attentivement lesdits arguments, pour les étayer, pour les rectifier, au besoin pour les retirer ; en tout cas pour les juger à l’aune de la doctrine pérenne de l’Église — car on ne peut défendre l’Église que par sa doctrine : il est vain, illusoire et létal de lutter contre l’erreur au moyen d’autres erreurs.

C’est le contraire de ce nécessaire examen qui s’est produit : des arguments ad hominem, parfois empruntés à l’ennemi, ont été érigés en vérités permanentes, en doctrines obligatoires. Cinquante ans après, on n’a même plus l’idée qu’il puisse y avoir, au milieu ce corps de doctrine dont on a hérité, des erreurs — et même des erreurs graves qui mettent la foi en cause.

En raison de cet affaissement doctrinal, nombreux sont ceux qui ont été conduits à professer des contrevérités, à suivre des pratiques, à adopter des attitudes d’esprit, allant à l’encontre de la doctrine catholique. C’est ainsi qu’on en vient à nier la nature et les prérogatives de l’autorité pontificale, et à professer une sorte de sédénéantisme qui fait du Siège apostolique un siège de pacotille, qui fait du Vicaire de Jésus-Christ une figurine évidée, un fantoche.

Ce sédénéantisme met en péril (et plus qu’en péril) une bonne moitié de la tradition catholique et de multiples articles de foi, puisqu’il revient à dire :

  • François Ier est le Pape, mais on n’est pas tenu de lui obéir ;
  • François Ier est le Pape, mais il n’est pas infaillible ;
  • François Ier est le Pape, mais on n’a pas besoin de recevoir la juridiction de lui ;
  • François Ier est le Pape, mais ses canonisations ne valent rien ;
  • François Ier est le Pape, mais il suffit de le reconnaître nominalement ou administrativement : sans adhérer à lui comme règle vivante de la foi, comme tenant la place de Jésus-Christ, comme exerçant souverainement les trois pouvoirs de l’Église ;
  • François Ier est le Pape, mais les articles du droit canon qui organisent la soumission des catholiques au souverain Pontife sont inopérants voire malfaisants ;
  • François Ier est le Pape, mais les enseignements du concile du Vatican (I), de Boniface VIII, de Pie IX ou Pie XII (et alii ) ne s’appliquent pas à lui ;
  • François Ier est le Pape, mais on peut organiser la vie catholique en dehors de lui et se comporter exactement comme s’il n’existait pas.

Cette vidange de l’autorité pontificale, qui ressemble étrangement à la vidange des articles et des notions de la foi opérée par le modernisme, entraîne des usurpations qui font fi de l’autorité pontificale et de la Constitution permanente de l’Église catholique :

  • il n’y a pas besoin de Pape pour ériger des tribunaux, concéder des dispenses aux empêchements de mariage, relever des vœux de religion ;
  • il n’y a pas besoin de Pape pour sacrer des évêques ni pour établir une hiérarchie opérante.

Que reste-t-il du Tu es Petrus, du Tout ce que tu auras lié sur la terre, et de mille autres pages de l’Évangile, de la Tradition apostolique et du Magistère de l’Église ?

Et ceux qui pratiquent ce sédénéantisme n’hésitent pas à donner des leçons de catholicité à ceux qui refusent de les suivre dans leur erreur ! Sans vergogne, ils dénient la qualité de catholique à ceux qui tirent la leçon de l’impasse dans laquelle où ils se sont fourrés. Il doit y avoir bien longtemps qu’ils n’ont pas relu l’aphorisme évangélique de la paille et la poutre.

Car, lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’indéniable défaillance de l’autorité dans les hautes sphères de l’Église catholique, la simple affirmation François Ier n’est pas Pape est, en comparaison du sédénéantisme, vraiment bénigne : elle n’est pas un système ni une nouvelle doctrine, elle se contente d’énoncer un fait accidentel, provisoire, triste mais possible.

Cette énonciation n’implique aucune erreur ni aucun malaise doctrinal dans la mesure où elle répond à une exigence de foi, dans la mesure aussi où elle s’applique d’une manière strictement conforme à la foi (ce qui n’est pas toujours le cas, quand elle est mâtinée de sédénéantisme). Surtout, cette affirmation laisse sauve l’intégrité de la doctrine catholique relative à l’autorité pontificale, et même la sauvegarde.

Le sédénéantisme, quant à lui, est substantiel. Il ne déclare pas le Siège apostolique vacant, il le déclare « en carton », évanescent, illusoire, irréel. Il est un système, une nouvelle doctrine étrangère à la doctrine catholique.

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